Une pensee pour ceux qui ont faim, ou froid, ou se sentiront seuls quand nous ripaillerons.
Et un geste aussi, quand on peut.
Failte go Bialann bPort Lairge, Bialann na Deise ! L'expatriation dilate le cerveau. Actu, Histoire, Politique, Culture et Societe de l'Irlande qui change, de la France qui doit changer, et d'ailleurs. Food for thought: news, history, politics, arts and society, live from Ireland, a bit of France and other places too.
Pierre Moscovici
former Minister for European Affairs
Dublin Institute of Technology, Aungier street, room 3067/3068 6pm • Monday 3 December.
His address will be followed by a debate:
“Is France back in Europe?” The international policies of Nicolas Sarkozy.
Photo: Oui, malgré tout, au mini traité européen, Desirs d'Avenir 17
Comble de perfection, c'est "l'élite" des Polonais qui émigre. Selon le ministère de la justice - bizarrement la seule autorité gouvernementale responsable de l'immigration -, les Polonais sont en moyenne plus qualifiés que les Irlandais. Anglophones, bons travailleurs, ils ne rechignent pas devant des tâches ne correspondant pas à leur niveau de qualification. La plupart sont jeunes, beaucoup viennent en célibataire avec l'intention de rentrer dans leur pays. Ces Polonais, si parfaits, l'Irlande s'en contenterait volontiers. Depuis 2004, le rejet des demandes d'asile a augmenté. Depuis cette année, un système de carte verte favorise les immigrants hautement qualifiés, et des restrictions à l'emploi sont imposées aux Bulgares et aux Roumains.
Mais la croissance s'essouffle naturellement (5 % aujourd'hui, après avoir atteint des sommets). L'industrie du bâtiment, creuset important de la main-d'oeuvre polonaise, est en déclin. Si, jusqu'ici, le chômage n'a pas augmenté, "il se pourrait que le travail commence à manquer tandis que le flux d'immigration, lui, continue sur sa lancée", prévoit Roger Fox, directeur à l'Autorité irlandaise pour la formation et l'emploi (FAS). Il est probable que les Polonais se concentreront encore davantage sur Londres, où les bras manqueront pour la préparation des Jeux olympiques.
Certains Irlandais commencent déjà à protester discrètement contre cette immigration massive. "Ils me rappellent ma jeunesse", note Philip, un "poseur de briques" à la retraite, accoudé au comptoir d'une taverne de Dublin. "A 20 ans, j'ai quitté mon pays, comme tous les Irlandais, pour être maçon à Londres. Comme tous les Irlandais, j'ai été sous-payé, j'ai vécu dans des chambres où même un chien refuserait d'entrer. Quand je vois les Polonais, je me vois. Ils croient qu'ils sont riches, mais ils n'économisent qu'en s'entassant à cinq ou six dans des chambres en sachant que c'est provisoire. Ils ne vivent pas dans le réel. Nos salaires baissent et le coût de la vie, lui, continue à monter. Ça ne me plaît pas."
A Sutton, une banlieue résidentielle du nord de Dublin, pas loin de la mer, Cezary Lukasik ne le contredirait pas. Lui aussi avait rêvé d'une "Irlandia" mythique, faite de revenus grandioses et de belles maisons. A Gdansk, au bord de la Baltique, il était serveur sur des bateaux de croisière et gagnait 600 € par mois, parfois 1 500 € en haute saison : "un bon salaire". En septembre 2004, il y a renoncé "pour travailler moins de 12 heures par jour, avoir une vie plus belle et économiser pour acheter une maison en Pologne".
A peine arrivé, il a trouvé un emploi dans un restaurant. Le patron le payait en dessous du minimum légal mais avec les pourboires, et en travaillant douze heures par jour, six jours sur sept, il amassait 2 000 € par mois. Le matin, il travaillait pour un quotidien d'information en polonais qu'il avait fondé en 2005 avec un autre immigré, StrefaEire. Celui-ci n'a pas survécu à la concurrence de Gazeta polska, le premier journal polonais en Irlande. Il y avait investi 20 000 €. Au bout de trois ans, Cezary a laissé tomber le restaurant. Il suit une formation en informatique. Pour s'y rendre, il doit marcher 6 km par jour : pas de quoi se payer une voiture, et les transports, comme toutes les infrastructures publiques, font défaut en Irlande.
Depuis son arrivée, le coût de la vie a augmenté. Dublin est devenue aussi chère que Londres. En travaillant le dimanche, la femme de Cezary gagne 1 700 € par mois en tant que serveuse. Ils ont une petite fille et louent une maison de quatre pièces, pour 1 400 €. Sur un calepin, Cezary tient ses comptes à la virgule près. Ce mois-ci, 157 € pour l'électricité, 125 € pour le gaz, 70 € pour le téléphone. Cette semaine, 185 € pour la crèche (il n'y en a aucune publique), 130 € pour la nourriture et la lessive, 7 € pour la poudre de lait, etc. Devenir informaticien, c'est sa dernière chance. "Je suis venu ici pour économiser. Or pour vivre normalement, dans une maison normale et en s'autorisant quelques sorties de temps en temps, on ne met rien de côté. Si je n'arrive pas à gagner 2 000 € avec des horaires humains, ça ne vaut pas le coup. Je rentrerai en Pologne."
Le Père Jaroslaw Maszkiewicz, chapelain de la communauté polonaise d'Irlande, l'entend souvent en confession : "Il y a une déception", dit-il. Beaucoup de ceux qui ont rêvé l'Irlande vont jusqu'à se retrouver à la rue. L'association pour sans abris Merchants Quay Ireland (MQI) doit secourir de plus en plus d'immigrés de l'Est (entre 50 et 70 par jour, majoritairement polonais). Le Père Maszkiewicz tente discrètement de faire passer aux fidèles le message du président Kaczynski : "La Pologne va bien, il faut revenir !"
Marion Van Renterghem
Article paru dans l'édition du 21.10.07
Et pourtant, l'Irlande a irremediablement change: de pays du tiers-monde a nation developpee, elle talonne le Luxembourg sur le podium des Etats de l'UE au niveau de vie le plus eleve. Les caisses de l'Etat sont pleines mais, de l'aveu meme des citoyens et gouvernants: il leur a fallu apprendre vite a gerer un succes qui peut-etre leur echappe deja, et il va falloir encore du temps pour apprendre a gerer a la fois la peur d'une chute cruelle et la gestion d'une manne inesperee. La generation de dirigeants actuelle a emerge en sortant un pays de la pauvrete, mais personne en Irlande n'a jamais appris a s'occuper de l'interet public sans s'en remettre a la Providence et le sauve qui peut individuel...
Source: Check-List Le Monde, 8.10.07
Amendement ADN : pourquoi s’acharnent-ils ?
Le retour d’un courant inquiétant de la droite française : le déterminisme génétique. Par Jean-Pierre SUEUR, sénateur du Loiret, ancien ministre. Publie dans Liberation
Ce n’est pas le moindre mérite des longs débats parlementaires, comme celui qui a duré quatre heures au Sénat sur le seul «amendement ADN», que de révéler le fond des choses, le posé et le présupposé, le dit et le non dit. Car nul, au terme de ce débat, ne peut prétendre un instant que le dispositif laborieusement concocté par la majorité des sénateurs UMP pour sauver la présence dans le texte sur l’immigration de ces trois lettres emblématiques, ADN, ait quelque chance de s’appliquer.
Imaginons une demande de regroupement familial concernant un enfant vivant à mille ou deux mille kilomètres du consulat le plus proche en Afrique, en Asie, en Océanie (ce qui est une situation banale). Les autorités françaises, après avoir constaté les carences de l’état-civil, après avoir enquêté sur l’éventuelle «possession d’état», décideraient donc de faire procéder à un test ADN. Elles devraient en conséquence, selon le texte voté, saisir le tribunal de grande instance de Nantes, lequel devra procéder à des «investigations» (où ? comment ? avec quels moyens ? Investiguera- t-il sans envoyer personne sur place ?), puis tenir un débat contradictoire, avec, donc, le représentant de l’enfant, ou de ses représentants légaux - le père et la mère, alors que l’éventuel test ADN ne concernerait que la mère ! - qui sera nécessairement un avocat commis d’office (payé comment ?), qui ne connaîtra pas les personnes qu’il est censé défendre, ne les rencontrera pas (sinon, avec quels moyens ?), n’aura pas la possibilité de voir de près si l’état-civil, là-bas, est fiable ou pas, etc. Et ce n’est qu’un exemple des improvisations et contorsions juridiques auxquelles on s’est livré pour sauver l’amendement ADN.
D’où une question. Pourquoi cette obstination, cet acharnement, cette rage à le faire passer coûte que coûte ? La première réponse est évidente : tout recul sur le symbole ADN - fût-ce pour d’évidentes raisons éthiques ou pratiques - porterait préjudice à l’acte fondateur du pouvoir en place, à savoir le ralliement d’une part importante des électeurs du Front National au candidat de l’UMP. Mais il en est une seconde, qui tient au surgissement des fondamentaux d’une certaine droite. Je veux parler de la fascination génétique. Il n’y a pas si longtemps, le ministre de l’Intérieur de l’époque envisageait, à la suite du rapport Ginesti et d’un autre de l’Inserm, de «dépister» chez les enfants en bas âge les futurs délinquants, ce qui signifiait implicitement que la délinquance était inscrite dans les gènes.
Mais l’implicite devenait bientôt explicite lors du débat entre Michel Onfray et le candidat Sarkozy qui expliquait dans la revue Philosophie Magazine que la criminalité relevait de l’inné : «J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile.» On assiste aujourd’hui à la promotion d’une définition strictement génétique des liens familiaux, au rebours de toute notre tradition juridique.
Il y a derrière l’acharnement à faire passer l’amendement ADN, le retour de l’un des courants les plus inquiétants de la droite française : le déterminisme génétique, c’est la philosophie la plus conservatrice qui soit, c’est le contraire de l’humanisme, la négation de l’éducation et des capacités d’émancipation de chaque être humain.