lundi 5 février 2007

Quand l'Irlande en a pour son argent

La presse se preoccupe beaucoup de l'Etat de l'Irlande, et d'essayer d'en expliquer les bouleversements pour en comprendre l'issue.

Ce matin, Ryan Tubridy dans son Tubridy Show s'interrogeait sur l'ascenseur social a l'irlandaise: l'afflux d'argent et l'enrichissement relatif d'une majeure partie de la population et de l'Etat, l'amelioration des conditions de vie d'une facon generale et la possibilite de faire des choix libres et non plus de suivre la contrainte de ce qu'on a a sa disposition (en terme de consommation et emploi), a-t-il affecte la repartition en "classes", et favorise la mobilite des individus de working class (classe ouvriere) a middle class (classe moyenne).
Auditeurs et intervenants se sont succedes pour tous dresser le tableau d'un meme constat: la mobilite n'existe pas, c'est toute la societe qui a monte d'un cran, chaque individu individuellement a vu ses conditions de vie ameliorees. Ce qui est tres satisfaisant en soi. Mais l'argent est un moyen de pression proportionnellement efficace et incitatif a adopter des comportements et des gouts susceptibles d'exclure des individus qui ne pourraient pas se les permettre, pour ainsi marquer, et conserver, sa difference.

Une facon de marquer sa nouvelle richesse, sa "classe" au sens de "qui a du gout", est d'aller chercher le meilleur au meilleur prix la ou il est produit, pour se demarquer de ceux qui ne le peuvent pas: vacances au soleil, weekends breaks romantiques ou fete dans les coins d'Europe appropries, soldes dans les capitales shopping de la planete (l'Europe ne suffit plus).
Bien sur ce n'est pas l'apanage de tout le monde, et c'est bien la que le bat blesse: l'argent ameliore les conditions de vie de chacun, mais ne gomme pas les differenes sociales pour autant. Les plus fragiles financierement restent les plus fragiles financierement et s'ils ne souffrent plus autant qu'avant le decollage economique au quotidien, peuvent se payer de jolies vacances ou de petites folies regulierement, ils restent ceux sur qui une recession frappera les premiers, encore et toujours, demain comme hier.

Pour calmer les ardeurs consummeristes de tout le monde, faisant enfler une inflation difficile a enrayer, la banque centrale a annonce qu'elle releverait ses taux, et que les menages en porteraient le poids. Les classes moyennes dont le niveau a franchi un cran en patiront, logique eternelle dans un monde liberaliste, moins que la classe ouvriere, meme elevee d'un cran. Une societe liberale pose le probleme de l'egalite de traitement des citoyens a tous les niveaux, puisque l'argent regit ce a quoi les individus accedent, quantite et qualite confondue.
En privilegiant l'enrichissement personnel, dans une societe qui offre aux citoyens d'en avoir pour leur argent, tout le monde a la possibilite d'ameliorer son sort librement: pour quelques chanceux qui profiteront largement de l'oportunite, la plupart se contentent de jouir de leur sort ameliore, ont peut-etre l'impression d'etre montes d'un cran sur l'echelle sociale mais restent pourtant par rapport aux autres sur le meme echelons et sont affectes de la meme facon par une crise ou une recession: ceux qui avaient la chance d'etre au milieu en ont d'autre plus bas, toujours les memes, qui amortissent la chute et accusent les coups.

Une societe liberale pose le probleme de l'altruisme et du partage, pas des richesses produites par des travailleurs assidus a travers l'assistanat, mais des moyens de production, du travail, des chances egales au depart et a la mobilite sociale. Parce que le liberalisme decoule d'une logique impitoyable qui veut que le plus fort merite de gagner aux depens de celui qui par manque de travail (envie, moyens, acces a l'emploi) ne sait pas se rendre meritant, sauf du sort qu'il s'est (pretendument) lui-meme reserve.

Je pense que ceci est le visage de "La France d'apres" qui se dessine deja aujourd'hui et depuis plusieurs annees. Qu'en pensez-vous ?

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