lundi 20 novembre 2006

L'erreur, cette tradition

Mardi 24 octobre, entendu sur France Info : 11% des diplômés sont toujours en recherche d’emploi, même trois ans après la fin de leurs études.
J’en suis ! C’est moi. Diplômée en 2003, exilée économique en Irlande en 2005, à bout de nerfs et de ressources, de courage et d’espoir, obligée malgré moi de quitter mes beaux Quartiers Nord de Marseille, et une France étriquée, j’essaie depuis de m’en sortir, à nouveau, petits boulots par-ci, petites études par-là. J’avance, peu à peu, à reculons.

Alors c’est décidé : après la réussite scolaire, la re-chute inattendue dans le gouffre (chômage et SMIC, qui aurait cru !), le choc 2002, le NON au référendum qui a brisé mon petit cœur européen, l’adhésion au PS dans la foulée et les émeutes de Novembre 2005, je suis prête à suivre ce que je crois être une tradition socialiste : l’erreur de jugement politique, le mépris des sondages et un vote insensé, car je choisis la nouveauté.

C’est pourquoi, après avoir suivi en silence des messages et débats où on explique aux nouveaux adhérents que certains comportements sont erronés parce que trop éloignés de la vrai tradition socialiste, j’ai choisi de livrer mon avis personnel sur la question : pourquoi donc choisir Ségolène ?

Je crois qu’en résumé, c’est assez simple : ras le bol ! Pour développer un peu, et se borner à la problématique socialiste, je dirais que nous vivons sur l’héritage (en ruine ?) de Mai 68, sous la coupe d’une génération qui peut être fière d’avoir tellement obtenu de progrès social, c’est vrai, mais pour son plus grand bénéfice, pour un temps seulement, et au final son malheur, vu le sort réservé à trop de nos cinquantenaires ; une génération orgueilleuse qui crispe si fort ses mains sur les rênes du pouvoir politique, intellectuel et militant, s’acharne si vigoureusement à donner des leçons de socialisme aux « jeunes » arrivants, même à ceux qui ont passé l’âge d’en recevoir, qu’elle en oublie que la génération qu’elle sermonne est celle de la Merde Noire où personne, à la base « favorisé » ou « défavorisé », n’est épargné, génération née des conséquences mêmes de cette formidable aventure dont les principes, à la base, nous rendent tous fiers. La génération des soixante-huitards acharnés (peu importe l’âge d’ailleurs, c’est aussi un état d’esprit) oublie, sourde et aveugle à la « modernité » qui a d’ailleurs été son moteur cette année-là, qui doit être changement, compromis et remises en question pour être progrès (et tout d’abord en soi), que tout n’est pas la faute à la Droite et qu’il ne mène plus à rien de simplifier pour mieux diaboliser, car les problèmes ne se règleront pas par la simple intervention du plus pur esprit socialiste, d’un tenant de la tradition.

Moduler, nuancer, faire des compromis… louvoyer à travers les écueils politiques et puisque l’occasion se présente, puisque la tempête ne cesse de gronder et qu’on a épuisé les solutions, les candidats, changer de cap !

J’étais tentée par DSK, bien sûr, très tentée, la voix de la raison, diraient ceux qui louent sa compétence et son sérieux. Je le vois mieux en gouvernant qu’en Président.
Fabius ? Une blague ! A mes yeux, tout ce que le PS doit cesser d’être, ce pour quoi j’ai adhéré, avec en tête le dépoussiérage intensif d’une force politique dont les principes et idéaux sont indispensables à notre pays. Pardon aux tenants de la tradition socialiste, sincèrement.

La France cependant selon moi n’a pas tant besoin d’un père responsable qui lui construise un avenir prospère et lui montre la voie sur le ton viril et chaleureux de la force tranquille, sereine, compétente.
Car la France va mal, c’est une famille éclatée, où l’on ne se connaît plus, où chacun croit vivre différemment de l’autre, et en être séparé par des divergences de politique et religion. Certains la quittent, en claquant la porte ou désespérés par le brouhaha et la cohue : la France est une famille où soit on se tait, soit on hurle et on crie n’en pouvant plus, sans alternative. La France qui se tait critique en silence et ne comprend plus la France qui s’agite, désemparée, qui casse et qui brûle, qui en profite pour se défouler, n’importe comment, sans but et sans principe, la génération sacrifiée... Quand les sales gosses s’excitent dans la rue, il y a ceux qui se défendent, ont peur, désemparés, et ceux, désemparés, qui les regardent, ont peur, veulent se défendre mais secrètement savourent l’instant, et approuvent le grand coup de pied, mérité, dans les dents de ceux qui ne veulent plus comprendre, ne font plus l’effort, loin, déconnectés. La France d’en haut, la France d’en bas, la France de droite et celle de gauche, qui ne se rejoignent pas même pour admettre que les torts, à l’heure actuelle, sont la seule chose qui soit réellement partagée.
La France du chaos, ce qu’elle est en grande partie aujourd’hui (quoiqu’on fasse semblant de ne pas y croire mais les « quartiers défavorisés » (par qui ?!) ne sont pas concernés par le « déclin »), sans espoir pour l’avenir, a, me semble-t-il, besoin d’une maman qui la prenne par la main, la rassure et lui donne confiance, et lui parle d’une voix douce d’ordre et d’autorité, qui remette chacun à sa place en échange d’un peu de paix sociale et de sécurité ; une maman qui lui dise dans sa langue, avec ses mots, viens avec moi, moi je t’écoute, c’est à toi de parler ; ce que font toutes les mamans quand on est tout petit, fragile, et qu’on a un gros chagrin.

Je dis oui à l’encadrement militaire des jeunes en difficulté parce que beaucoup, depuis longtemps, se réfugient déjà, quand ils le peuvent, dans l’armée (oui, j’en connais), parce qu’on y est propre, net, ordonné, encadré, formé, écrasé par la hiérarchie ce qui a quelque chose de rassurant pour ceux qui se sentent perdus (inutiles et gâchés) dans la jungle de la société (civile), et parce qu’il n’y a pas de raison, surtout quand on est socialiste, qu’on souhaite pour notre pays que son armée ne soit payée que pour briquer ses armes et guerroyer.
Je dis oui aussi à la flexi-sécurité, parce que beaucoup ne définissent leur place dans la société, et c’est important d’en avoir une, que par le travail (le chômage, même bien payé, est pour tout le monde abrutissant et beaucoup, oui j’en connais, lui préfèrent encore s’installer à la caisse d’un supermarché). Mieux vaut réformer l’organisation du monde du travail et ses conditions, notamment de rémunération, pour assurer l’adéquation de l’activité professionnelle avec une vie de famille saine, que se concentrer sur une réduction drastique du temps qui lui est accordé qui ne sert en rien les fluctuations de la vie économique ou des cycles de production (bien sûr, le fonctionnariat n’est pas concerné).

Je dis oui à beaucoup d’autres aspects de ce non-programme vrai-rupture qui ressemble plus à une opération de secours d’urgence, et ça me plaît.

C’est pourquoi j’ai voté et revoterai Ségolène : parce que je suis lassée de râler contre les mêmes têtes, mêmes discours, mêmes décisions pour mêmes effets. Je voterai Ségolène parce qu’émigrer d’un pays comme la France dans un pays comme l’Irlande pour participer à une économie qui s’envole parce que je travaille dur et souvent sous-payée, au même niveau que cette cohorte de polonais qui ce faisant fuient 60 ans de communisme et une débâcle nationaliste, je n’appelle pas ça du progrès social (même si c’est l’occasion de se battre pour les principes socialistes).
Je voterai Ségolène parce que je veux essayer de ne plus donner à la Droite (2002) l’opportunité de faire en mal les réformes inévitables et nécessaires que je veux voir la Gauche au moins essayer de faire en bien.

Les sondages, le favoritisme médiatique reflètent l’intérêt de beaucoup pour une femme, qui a quatre enfants, a fait de la politique autrement avant même de s’en vanter, qui sait faire du social, et non pas du socialisme, et saura peut-être s’occuper de la France avant même d’envisager sa place dans le Monde ou de vouloir créer l’Europe à son image.

Si pour moi l’erreur n’est pas une nouveauté (2002, 2005, et pas des moindres rendez-vous), Ségolène, elle, en est une, et mon avenir, celui des miens et d’inconnus, vaut bien que je la tente, comme une chance.

Désirs d’Avenir… tout est dit.

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