jeudi 21 décembre 2006

Libéralisme et puissance publique, dans Le Monde aujourd'hui

A l'instar des ultra-libéraux, quand on veut, on peut. Mais l'union faisant la force, et parce qu'il y en a parmi nous qui ont besoin qu'on leur tende la main pour partager notre force avec eux, on ne peut laisser le destin d'un pays aux seules initiatives individuelles, même sous couvert généreux de bien collectif.
"Dans la France d'aujourd'hui, on n'accepte plus les licenciements inciviques qui ne correspondent même pas à la réalité économique"
"Ce sont des licenciements de confort parce que la mode est à la concentration industrielle, y compris dans des filières qui font des bénéfices. Ce chantage est insupportable. Il n'y a aucune fatalité. Je refuse ce renoncement"
"Les conservateurs n'ont pas compris l'essentiel : la justice sociale et la qualification sont les ressorts de la performance."
"Il faudra bien prouver aux Français qu'entre le capital et le travail, le capital sera définitivement plus taxé que le travail, je le ferai", car "il est temps que la volonté politique reprenne la main".
"Si je suis en responsabilité et puisque nous aurons la présidence de l'Union européenne au premier janvier 2008, nous mettrons à plat ce qui se passe dans les autres continents, au premier lieu desquels les Etats-Unis qui savent très bien tenir un discours libéral mais organiser des protections sous des prétextes divers et variés", a-t-elle ajouté.
"Le moment est venu de prendre la parole pour m'aider à construire le projet présidentiel qui répondra le mieux aux attentes des citoyens".
Service Public Minimum et Croissance incontrôlée: Recette d'une Catastrophe Capitaliste annoncée
L'économique ne peut pas tout. A preuve, l'économie irlandaise, qui est du vent. Je le martèle depuis deux ans et enfin le débat commence à s'ouvrir au plus haut niveau. La Banque, la finance, le bâtiment, l'immobilier et la consommation des ménages ne peuvent constituer en soi une économie forte simplement parce que commerce, industries étrangères et centres d'appel viennent exploiter une main d'oeuvre anglophone et docile (irlandaise) ou désespérée et docile (immigrés), soutenant une croissance impressionante et une bulle dont on feint de refuser de voir qu'elle finira par exploser, plutôt tôt que tard. L'Etat irlandais, pas une puissance publique mais un simple outil de gestion des initiatives privées et du budget national qui pourra les financer, laisse faire sur son terrain ceux qui veulent bien y apporter de l'investissement, pour occuper une main d'oeuvre qui réclame. Santé, Education, transports en commun, aménagement du territoire et protection de l'environnement, tout est laissé à l'initiative privée avec concours du gouvernement pour qui daignera s'y intéresser, et, si vous voulez mon avis, vu l'abandon collectif dans ces domaines fondamentaux mais qui rapportent peu, ça ne fonctionne pas ! Hormis dans l'aménagement du territoire, ou tout et n'importe quoi est fait, parce que cela satisfait les demandes du marché immobilier ou des motivations électorales (ainsi le nouvel hôpital national sera construit sur la circonsription du Premier Ministre actuel malgré l'aberration de sa situation par rapport au reste du pays, et une nouvelle autoroute au nord de Dublin va passer sur un trésor archéologique d'importance mondiale (voir Hill of Tara / M3 Motorway - Litigation Information) alors qu'une alternative simple et moins coûteuse est possible).
Dans The Irish Times www.ireland.com:
ESRI warns economy could be on unsustainable path Irish consumers' increasing reliance on foreign credit could be a sign that the economy is growing too fast with demand outpacing supply in a manner that is not sustainable, according to a worst-case scenario outlined by the Economic and Social Research Institute (ESRI) yesterday.
L'article souligne comment l'Irlande vit au dessus de ses moyens. Les banques prêtent à volonté, à qui peut ou parfois ne peut pas rembourser, de l'argent emprunté à l'étranger (l'épargne allemande par exemple), et une crise grave dans l'économie concernée affecterait directement celle irlandaise, dont la resource financière pour alimenter la consommation des ménages, le marché immobilier ou la création d'entreprise dépend totalement.
J'ajoute que les compagnies étrangères qui investissent massivement et devant lesquelles le gouvernement, pour cette raison, montre pattes blanches, indexent immanquablement leur choix irlandais sur leur coût de production, pratiquent sans complexe des licenciements de confort au prétexte que dans une économie tellement dynamique un employé congédié, avec un peu de flexibilité, ne le reste pas longtemps, quand certaines prennent impunément bien moins soin de leur force de travail que des outils de production pour lesquels on pratique déjà une rationalisation outrancière.
En Irlande, la performance est basée sur la qualification, mais point de justice sociale, c'est le travail qui est encore trop taxé, et la production de richesses ne sert qu'à la production de plus de richesses.
En 2003 dans un mémoire je posais déjà cette question: l'Irlande, un modèle ? Comme en 2003 la réponse est la même: modèle économique de performance, certainement; modèle ouvrier de docilité, absolument; modèle social de partage en toute équité des richesses produites collectivement, non. Car l'économique ne peut pas tout. Un redémarrage de croissance n'est pas seul la clé. Si l'initiative privée est indispensable et à encourager, la puissance publique, qui est autant celle de l'Etat que des citoyens, doit y veiller pour la canaliser.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'image de la bulle est tout à fait ce qui caractérise l'économie irlandaise ! Si fragile. Et c'est ce qui fait peur aux Irlandais lucides...