mardi 17 avril 2007

Hommage hors clivages

Lettre ouverte a Segolene Royal" de Jean-Marcel Jeanneney publiee par le Nouvel Obs.

"MADAME, je ne vous ai entendue et vue qu’à la télévision. Mais vos propos, votre manière d’être, ont fait que, depuis plusieurs mois déjà, j’étais enclin à voter pour vous le 22 avril. Ayant lu attentivement votre livre, "Maintenant" , je ne doute plus de le faire.

Je suis un très vieux monsieur. Ministre du Général de Gaulle à trois reprises, je fus un des rares qui eurent l’honneur d’être reçu par lui à Colombey, après qu’il eut, en parfait démocrate, démissionné de la présidence de la République parce que désavoué lors du référendum qu’il avait décidé.

Je suis fidèle à sa mémoire. La France, au cours de sa longue histoire, n’a guère eu de chef d’Etat de cette envergure, parfaitement indépendant de toutes les puissances financières et de tous les dogmes politiques, ne se laissant intimider par quiconque, discernant ce qu’allait être l’évolution du monde et percevant ce qu’étaient les intérêts à long terme de son pays. Mais je n’ai jamais cru à la possibilité d’un gaullisme sans de Gaulle et je me suis vite désolidarisé de ses prétendus héritiers.

Cela dit – et sans vouloir vous écraser sous une telle référence en vous assimilant à cette très haute figure – j’ai le goût de vous dire que je constate d’assez nombreuses analogies entre ses idées et les vôtres, telles qu’elles apparaissent au long de vos trois centaines de pages. D’abord le volontarisme politique, puis l’attachement à la nation, à son passé et à son avenir, comme fondement nécessaire aux solidarités entre les individus vivant sur son sol ; la prise en compte des aspirations populaires mais sans soumission systématique à l’opinion ; l’idée, que de Gaulle énonça dès mars 1968 dans un discours à Lyon, que les activités régionales sont les ressorts de la puissance économique de demain ; encore, le fait que la France, dans un mode menaçant, ne doit pas renoncer à une puissance militaire forte.

Entre vous et lui, il est encore un trait commun : quand on lui exposait un problème de façon abstraite, il vous interrompait : "Alors ! Pratiquement, que proposez-vous ?" Or toujours vous proposez ou esquissez une solution concrète.

J’ajoute que vous rejoignez le général de Gaulle sur trois points, de grande importance. Le premier est la sobriété que vous voulez dans le comportement quotidien de la présidence de la République et du gouvernement. Le deuxième est le recours à l’article 11 de la Constitution, que vous devrez inévitablement utiliser pour modifier celle-ci, en particulier concernant le Sénat. Le troisième est que, comme lui, vous vous appuyez sur un parti, ce qui est indispensable, mais que, comme lui, vous êtes d’un tempérament assez fort pour pouvoir, quand besoin est, vous en affranchir. Madame la candidate, je vous souhaite de tout cœur bonne chance et vous assure de la grande considération que j’ai pour votre culture gouvernementale, pour votre intelligence, votre sensibilité et votre caractère."


Je vois dans ce texte l'hommage d'un homme riche d'une sagesse politique, sans consideration d'opinions a une personne pour sa vision, son engagement pour la Nation, et sa pratique politique.
Loin de la cruchitude et la bourdicisation. Qu'on apprecie ou pas le "General" et ses proches, il est question ici de fair play politique. Peu de candidats peuvent se targuer d'avoir recu de tels soutiens faisant plus appel aux qualites purement politiques de la personne qu'a l'ideologie.

Sur la capacite de dialogue hors clivages, Sego marque un point. Simone Veil a rendu un hommage de meme nature, d'adversaire politique a une autre, a son "courage" et sa "tenacite". En toute dignite. Voila pourquoi je pense que cette candidature a tout son sens: la dignite. Dans les actes et les paroles, la sienne et celle d'autres, qu'elle inspire. N'est-ce pas la premiere qualite d'un-e President-e: pouvoir dialoguer avec la France de tous les bords sans prejuges ni flagornerie ?

Ce texte est paru le jour ou NS s'organisait peniblement une petite heure de visite ultra-securisee a une cite decretee chaude pour la circonstance, dans la municipalite d'un ami (Cope, Maire de Meaux, pour qui un Francais moyen est en fin de carriere et gagne 4000 euros, c'est 'achement cool chez Cope), il est opportun de rappeler que Segolene Royal, elle, peut dialoguer hors de ses penates politiques, defendant ses valeurs de gauche ouvertement, certes (elles ne sont pas un crime en soi) mais avec la France, toute, pour objectif (echanges positifs avec Angela Merkel et Laurence Parisot), pour au final balayer large dans l'eventail des solutions pragmatiques pour les problemes de ce pays, que les debats participatifs ont mieux sondes que n'importe quel Institut.


Un bon document pour les profs irlandais dont on m'a signale l'eventuelle presence, et que je salue au passage s'ils passent par la!

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